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Les entreprises progressistes transforment leur infrastructure pour l’adapter au cloud. Cela semble simple : supprimer le matériel et les logiciels existants, les remplacer par des solutions PaaS, IaaS et SaaS, et profiter de l’agilité, de la réduction de la complexité et des coûts qui en découlent.
Mais la transformation digitale n’est pas si simple. Le défi qui se pose à l’entreprise n’est généralement pas celui de la technologie. Il s’agit souvent des nouveaux niveaux de collaboration requis entre les équipes qui prennent en charge l’infrastructure et les flux de travail traditionnels, ainsi que de l’impact sur la culture globale d’une entreprise. La migration vers une infrastructure basée sur le cloud exige un travail d’équipe dans toutes les disciplines informatiques et, dans la plupart des cas, dans toutes les unités commerciales d’une entreprise : les équipes doivent travailler ensemble pour donner la priorité aux objectifs (nouvellement) partagés par la société. Et le démantèlement des silos organisationnels requis pour unir les factions des entreprises peut nécessiter des efforts herculéens. La dure réalité d’une transformation digitale réussie peut nécessiter des compétences de collaboration dignes du prix Nobel de la paix.
La culture informatique traditionnelle tue la collaboration
Lorsqu’ils définissent les objectifs de l’entreprise, les dirigeants ne privilégient pas toujours l’infrastructure informatique stratégique. Ils prêtent attention à l’informatique lorsque l’infrastructure 1) est défaillante ou 2) entrave un pivotement nécessaire de l’entreprise. C’est peut-être la raison pour laquelle la culture informatique tend, par nature, à être réactive : l’exploitation de systèmes traditionnels complexes pour tenter de soutenir les objectifs de l’entreprise est un exercice de gestion de crise permanent. De nos jours, les dirigeants d’entreprise sollicitent de plus en plus les infrastructures traditionnelles, souvent sans que les équipes qui les gèrent n’interviennent. Il n’est donc pas étonnant que les équipes informatiques se sentent déstabilisées.
Cette dichotomie des attentes découle en partie du fait que de nombreux DSI (sinon la plupart) ont été formés au développement d’applications. Or, le développement d’applications est généralement une étape critique pour une entreprise et est directement lié aux objectifs commerciaux et aux échéances de la société.
En revanche, l’équipe chargée de l’infrastructure informatique est souvent tenue à l’écart des discussions stratégiques, et (littéralement) livrée à elle-même. Les réseaux construits en réponse à des demandes ad hoc sont souvent assemblés, sans grande cohésion stratégique et à la suite de plusieurs décisions tactiques prises au fil des ans et qui semblaient judicieuses à l’époque. Les réseaux incarnent un modèle de silo dysfonctionnel : au sein même de la structure informatique, les différentes équipes (sécurité, infrastructure réseau, gestion des terminaux, etc.) ne sont pas sur la même longueur d’onde. Elles peuvent ne pas collaborer efficacement et finissent par développer des outils et des ressources qui ne répondent qu’aux besoins immédiats de leur domaine. Chaque équipe utilise des systèmes qu’elle connaît et fait appel à des fournisseurs qui lui sont familiers.
Il est clair que cette culture cloisonnée et dépendante des systèmes traditionnels ne convient pas aux entreprises basées sur le cloud. Les responsables informatiques des entreprises axées sur le cloud gèrent la consommation de services. Les responsables informatiques des entreprises aux prises à une infrastructure traditionnelle doivent superviser des fiefs technologiques complexes, disparates et souvent incompatibles. Le passage aux activités basées sur le cloud brouille les frontières entre les responsabilités en matière d’infrastructure et les objectifs commerciaux, obligeant les équipes à collaborer d’une manière inédite.
La virtualisation n’est pas toujours la réponse la plus simple dans ce cas. Lorsque les responsables informatiques commencent à déplacer les processus et l’infrastructure de l’entreprise vers le cloud (véritablement vers le cloud, et pas seulement vers une base de données ou une application unique), les équipes s’en tiennent souvent à ce qu’elles connaissent : adopter des postes de travail virtuels fournis à partir de data centers, des VPN pour clients/points de peering privés, des agents sur les appareils finaux, des appliances virtuelles installées sur des plateformes IaaS. Bien que leurs solutions individuelles puissent techniquement se trouver dans le cloud, leurs choix ne contribuent guère à l’agilité de l’entreprise et perpétuent des processus (et des modes de pensée) cloisonnés.
Mise en place d’une infrastructure basée sur le cloud : nouvelles équipes, nouvelles compétences, nouvelle coopération
L’entreprise basée dans le cloud a besoin d’architectes et d’opérateurs cloud qui maîtrisent un plus large éventail de compétences et privilégient la consommation de services à la construction d’une infrastructure interne. Mais surtout, ceux-ci doivent apprendre à travailler en bonne intelligence avec les autres équipes et les dirigeants de l’entreprise.
Une société pour laquelle je travaillais souhaitait étendre ses activités à l’Amérique du Sud. Le moyen le plus rapide et le moins coûteux consistait à acquérir une entreprise sud-américaine, puis d’intégrer ses actifs et ses effectifs. Une fois la transaction conclue, mon équipe informatique a été appelée pour intégrer l’infrastructure. Un budget spécifique nous a été attribué, malheureusement insuffisant compte tenu des infrastructures traditionnelles en place. Aucun responsable informatique n’avait été consulté avant l’acquisition, principalement parce que l’informatique n’était pas (encore) considérée comme un partenaire stratégique essentiel. C’est un peu comme si l’entreprise considérait l’informatique comme un mal nécessaire, dans lequel elle avait investi des millions, tout en s’interrogeant sur la valeur globale que l’informatique apportait à l’entreprise.
Dans l’intérêt de l’entreprise, les dirigeants doivent favoriser un environnement inclusif. Cela signifie qu’ils doivent inclure les principales parties prenantes de l’informatique dans les discussions concernant l’architecture de haut niveau et dans les conversations commerciales de haut niveau, en respectant certains paramètres. La discussion doit être centrée sur les besoins de l’entreprise, et non sur les services que les fournisseurs actuels peuvent fournir. Cela peut exiger que la direction générale accepte d’être « un peu perturbée » par les nouveaux processus et les nouvelles technologies.
Documenter l’avenir
Les entreprises doivent établir, et plus important encore, publier une vision de l’architecture future. Il ne doit pas s’agir d’une simple vue d’ensemble technique : l’architecture doit s’aligner sur les objectifs de l’entreprise, et le document d’architecture (le DSI sous lequel j’ai travaillé l’a appelé le « manifeste informatique 2.0 ») doit refléter la manière dont la nouvelle infrastructure soutient les objectifs fondamentaux de l’entreprise. Il est important que ce document précise en quoi l’architecture existante entrave spécifiquement l’innovation, afin de démontrer aux responsables informatiques et aux chefs d’entreprise l’importance du changement. Cette cartographie peut favoriser l’émergence de nouvelles idées, de nouvelles technologies et de nouvelles infrastructures, et permettre aux équipes informatiques de se concentrer sur d’autres domaines que celui qui leur est propre : si une technologie limite l’agilité, il faut la perturber, rechercher des solutions qui rompent avec les anciennes pratiques et reconnaître que les contrats et les relations avec les fournisseurs actuels de logiciels et de matériel ne doivent pas être une raison pour maintenir le statu quo.
Un exemple de manifeste informatique 2.0 dans toute entreprise devrait clairement définir les attentes relatives aux tâches des employés, aux responsabilités de l’équipe et à la collaboration entre les équipes. Quels seront les rôles de chacun à l’avenir ? L’incertitude des membres de l’équipe quant aux contributions futures tuera l’innovation si leurs craintes ne sont pas prises en compte :
- Expliquez le processus. Documentez la vision de l’entreprise et expliquez en quoi elle est importante. Faites en sorte que la vision soit publique et ouverte aux commentaires.
- Montrez la feuille de route. Parallèlement à la vision, définissez des objectifs, des étapes et des jalons clairs pour mettre en œuvre des processus compatibles avec le cloud.
Faites preuve de responsabilité.
- Planifiez la réussite. Assurez-vous que toutes les personnes concernées assument un rôle clairement spécifié dans le processus et la feuille de route. L’entreprise basée sur le cloud remet en question l’ancienne « normalité » quotidienne de chacun. Répondez aux préoccupations des employés.
- Soutenez la réussite. Préparez un plan pour les outils, le mentorat et l’habilitation de l’équipe nécessaires pour aller de l’avant. Faites en sorte que ces éléments soient facilement accessibles et soyez ouvert aux recommandations.
L’informatique doit devenir un moteur pour résoudre les problèmes de l’entreprise, et non une excuse pour maintenir le statu quo. Plutôt que de construire une infrastructure en utilisant des outils, des logiciels, du matériel et des services connus, concentrez-vous sur l’utilisation de l’infrastructure informatique dans le cloud et sur la fourniture de ces capacités à l’entreprise que vous soutenez. Ces solutions estomperont les frontières de chaque discipline au sein de l’informatique. Centrez la propriété sur une équipe, mais assurez-vous que toutes les équipes s’approprient l’objectif (plus large). Évaluez les changements en fonction non seulement des besoins immédiats, mais également en fonction de l’évolution future : cela imposera une collaboration plus large entre presque toutes les disciplines informatiques.
Le cloud connecte les équipes cloisonnées de la même manière qu’il connecte les utilisateurs aux applications.
Pour se montrer plus agiles, efficaces et productives, les entreprises doivent adopter un modèle opérationnel de consommation dans le cloud. Pour les entreprises basées sur le cloud, le présent et l’avenir se caractérisent par une architecture de connectivité basée sur Internet, une sécurité cloud sans périmètre et des systèmes commerciaux critiques fonctionnant en dehors des limites de l’entreprise. Les équipes informatiques cloisonnées qui dépendent d’une technologie cloisonnée doivent apprendre à collaborer avec d’autres équipes pour atteindre des objectifs commerciaux unifiés. Les responsables informatiques, habitués à gérer uniquement la technologie qu’ils maîtrisent et les fournisseurs qu’ils apprécient, devront s’adapter à une nouvelle méthode de gestion. L’informatique doit soutenir les objectifs de l’entreprise, ce qui signifie une agilité et une flexibilité de tous les instants.
Les responsables informatiques doivent amener cette réflexion du haut vers le bas. La planification doit inclure les membres de l’équipe informatique dans le développement d’une nouvelle vision. Les dirigeants doivent montrer que cette nouvelle vision prévoit une place pour tout employé prêt à penser différemment son rôle dans la réalisation des objectifs de l’entreprise. Chacun doit comprendre l’objectif de l’entreprise et le rôle qu’il jouera dans son avenir. À ce moment-là, le service informatique dans son ensemble devient un véritable partenaire de l’entreprise et les silos traditionnels au sein de l’informatique qui entravaient les progrès dans le passé sont brisés par la simple nécessité de collaborer les uns avec les autres d’une manière inédite.




